Une rose de glace

Le bruit des pas claquait sur le sol du temple de glace. Une étrange lueur passa, à peine visible, traversant les blocs de glace du temple. Une ombre marchait en direction de la sortie du temple, le froid qui régnait en ces lieux était terrible. Peu d’hommes aussi couverts fussent-ils pourrait sortir indemne de cette endroit, même si il n’y avait eu qu’à le traverser. Même une tache aussi simple que traverser ce temple gelé n’était pas facile, alors s’il fallait en plus affronter le champion du temple pour pouvoir y arriver, la tache semblait alors impossible. Un homme aux cheveux oranges tels la fourrure du renard malin, une armure aux couleurs aussi froides que le temple et aux formes terrifiantes portait une magnifique épée de cristal dans la main droite. Il était le champion du deuxième temple.

Albérich, tel était son nom. Il était connu parmi ses confrères chevaliers comme un homme froid, sans cœur, sans sentiment, mais c’était pourtant lui que la déesse avait choisi pour guider son peuple à la victoire. Il n’était pourtant pas le plus ancien des chevaliers de l’ordre, la magnifique rose Lily ou bien encore ce fou de Susanoh auraient semble-t-il fait d’aussi bons porte parole. Mais non, la déesse avait choisi le gardien du deuxième temple pour une raison que même lui ignorait. L’ordre de Narthe était en pleine croissance, mais la route vers la surface était encore loin, il était certain que d’autres ordres comme les templiers ou l’armée du roi Rolland IV ne verraient pas d’un bon œil le retour de la déesse de la guerre.

Albérich, debout à l’entrée de son temple, regardait d’un œil songeur le village situé en bas de la montagne, il semblait y avoir de l’animation. A cette heure de la journée, il devait y avoir le marché. Aussi, bien que cela ne soit pas dans ses habitudes, l’élu décida d’aller voir ce qu’il se passait en ville. Il fit donc disparaitre l’arme qu’il tenait dans ses mains et commença à descendre le temple en direction du village, il passa par le temple de Lily assez rapidement, celle-ci n’étant pas là. Un champion ne devait rester dans son temple que s’il y avait une menace proche. Et sans savoir pourquoi, chaque chevalier ou champion sentait quand un danger arrivait, ce phénomène restait inexplicable. Certains pensaient que c’était la déesse qui, d’une manière ou d’une autre, les prévenait du danger. Albérich passa devant la statue de la déesse. Il s’inclina en signe de respect et prit la direction du centre ville.

Sur le chemin du village, une petite fille pleurait par terre, elle semblait être tombée en montant vers la statue et avoir cassé un jouet qui, après cette chute, était méconnaissable. Il s’agissait peut être d’une poupée. Le chevalier se pencha vers l’enfant qui semblait intimidée par celui que l’on disait sans cœur.

- Excusez-moi… snif… Messire… snif… Je ne pleurais pas… snif

Dit l’enfant en essayant de retenir ses larmes, il était vrai que le peuple de Narthe était un peuple guerrier qui n’avait de plaisir qu’en tuant à la guerre, mais tout de même, ce n’était qu’une enfant, et Albérich posa sa main sur la jambe écorchée de la fillette et, après un souffle froid, les saignements et l’hématome fut résorbé. La petite fille surprise regarda l’élu qui lui fit un sourire. Aussi d’un geste de la mains il créa une rose de glace. Une magnifique rose aussi froide que belle. Il la glissa dans un morceau de tissu et la donna à l’enfant qui, folle d’admiration devant son nouveau jouet, resta la bouche ouverte. Le seigneur de glace se leva et prit la direction du village.

- Merci messire…

Résonna derrière les pas d’Albérich qui ne put retenir un sourire. Bien qu’il soit considéré comme froid, il ne supportait pas de voir une enfant souffrir ou être triste. Il finit par arriver au village. Le bruit et l’agitation étaient à leur comble. Les marchands nains criaient pour vendre leurs armes, et certains elfes noirs essayaient de vendre du poison et d’autres ingrédients de potion ou repas. Les quelques personnes qui avaient remarqué la présence inhabituelle d’Albérich semblaient surprises, presque méfiantes. Elles saluèrent tout de même l’homme qui semblait inaccessible. Une silhouette familière venait de faire son apparition, c’était un chevalier, mais lequel ? Albérich n’arrivait pas à le distinguer dans cette foule. Il s’approcha de lui afin de l‘identifier.

Après une journée à surveiller les alentours du village afin d'effectuer son tour de garde , Shingen c'était son nom décida d'aller faire un tour au marché.

Il lui arrivait souvent de s'y promener pour abreuver sa curiosité de nouvelles choses qui pouvait animer le village en ces heures , Shingen était ce qu'on appelait un chevalier de Narthe.

Pour le décrire il était ni trop grand ni trop petit donc disons dans la taille moyenne , il avait les cheveux d'une intense couleur châtains virant sur l'orange , les yeux d'un couleur vert émeraude et était habillé d'une armure couleur argent avec une cape blanche à l'arrière de celle-ci , recouvrant son dos , la cape blanche était signé d'un étrange symbole en lettres noirs celui de son appartenance à Narthe.

Alors qu'il se promenait dans le marché , il vit un attroupement de villageois autour de deux hommes , l'un était debout est resté immobile , l'autre était agenouillé devant lui.

Il s'avança pour voir de plus près de quoi il s'agissait et vit que l'homme debout avec son armure sombre , et le tumulte qui venait de faire en sa présence ..cela ne pouvait être que..

'L'élu' fit un villageois a coté du chevalier de Narthe.

Shingen s'avança et vint s'agenouiller auprès de l'autre homme et fit à l'élu :

'Tiens donc que nous vaut votre visite , Élu de la déesse Narthe?'.

Voyant la réaction du peuple, Albérich se rappela pourquoi il n'aimait pas se joindre à la foule. La population souffrait sans le montrer de ses conditions de vie, le soleil artificiel ne pouvant pas égaler le véritable astre céleste, bien qu'étant fortement réconfortant. Or, la population fondaient de grands espoirs sur le jeune élu. Il était celui qui allait les faire revenir à la surface, redonner l'éclat d'antan au peuple de Narthe. La foule curieuse se pressait autour de lui, alors qu'il cherchait toujours à identifier le chevalier à l'allure négligé qu'il avait aperçu. L'homme de taille moyenne se tourna vers le Champion, il s'agissait de Volsa, l'un des prétendants au titre de Champion. Sa chemise noire et son pantalon de toile blanche déchiré au niveau des chevilles ne lui donnaitent pas fière allure, pourtant, il faisait parti des plus fidèles et puissants chevaliers de la déesse. Aussi, celui-ci se retourna-t-il et quand il vit l'élu, posa un genou à terre avant de lui adresser ces quelques mots :

- Élu de la déesse, que me vaut l'honneur de votre visite, à moi simple chevalier de l'ordre de Narthe ?

Albérich fut un peu surpris, il n'était pas spécialement venu voir Volsa, il voulait juste « prendre la température » en ville. Mais alors qu'il s'apprêtait à répondre, un autre homme arriva. C'était un autre chevalier, il avait les cheveux de couleur châtain, les yeux d'un vert émeraude comme ceux du seigneur de glace. Son armure de simple chevalier couleur argent et une cape blanche à l'arrière de celle-ci ne laissait nul doute sur l'identité du jeune chevalier, c'était certainement Shingen, un autre prétendant au titre de champion, mais pas pour le même temple que Volsa. Il faut dire que les prétendants aux temples étaient des centaines, mais ces deux-là étaient connus de tous comme l'élite des chevaliers. Deux chevaliers d'élite au même endroit, plus qu'une coïncidence pensa Albérich. Shingen posa lui aussi un genou à terre et dit avec nonchalance.

- Tiens donc que nous vaut votre visite , Élu de la déesse Narthe?

Son manque de politesse lui était propre, et Albérich le savait, c'est pourquoi il ne réagit pas, en temps normal, un simple chevalier lui aurait parlé sur ce ton, il aurait fini dans le cimetière de glace en décoration avec les autres cadavres gelés. Alors qu'il allait répondre aux deux questions, deux ou trois villageois volèrent à droite et à gauche, et une immense masse s'approcha du groupe, un troll ? Non, un autre chevalier, encore, il s'agissait de Bujin, comment le reconnaître ? C'était le plus grands des chevaliers de la déesse. Et qui lui aussi, était prétendant à un des temples, celui de l'enfer cette fois. C'est vrai que ça lui correspondait bien, lui le chevalier forgeron. Il posa un genou à terre et le sol trembla légèrement.

- Ma force et mes lames sont à votre disposition ,élu de Narthe

Comment répondre à tant de politesse ? Albérich allait répondre aux trois chevaliers présents devant lui, quand soudain un doute le prit, il s'arrêta et regarda à droite puis à gauche. Pas d'autres chevaliers ? Non, ouf, il allait peut-être pouvoir en placer une. Il fit signe aux trois hommes de de lever, et à la foule de de disperser.

Alors qu'il allait enfin en placer une, un vagabond arriva, un homme comme il en existe des centaines. Cependant son comportement était bizarre, il était sûr de lui, il ne prit même pas la peine de s'agenouiller devant le souverain, et s'assit simplement en tailleur avant de lui adresser ces quelques mots

- Je me nomme Zargan seigneur et je veux combattre à vos côtés ainsi que Narthe, puissiez vous entendre ma requête et me l'accorder...

Devenir un chevalier de la déesse, pourquoi pas. Mais oser venir le demander au représentant de Narthe c'est un peu comme s'adresser à Narthe elle-même, pourquoi tant d'assurance ? Cachait-il son jeu ? Comme Albérich l'avait appris, il ne fallait surtout pas juger un homme sur ses paroles, mais sur ses actes. Bon, c'était peut être le moment de parler, le seigneur de glace vérifia une nouvelle fois autour de lui.

C'est alors qu'il la vit. La jeune fille qu'il avait soignée et réconfortée. Elle marchait les bras ballants et le regard vide, comme un zombi. Impossible, que s'était-il passé ? Elle allait bien quand Albérich l'avait laissé. Elle n'avait plus la rose qu'il lui avait confié, l'avait-elle perdue ? C'est alors qu'une silhouette trop familière apparut, le Champion du temple de la folie. Un elfe noir, qui ne respectait rien, bien que la déesse ait insisté pour le nommer Champion. Albérich ne voyait pas ça d'un bon œil. Comment un être aussi malfaisant pouvait-il rester prêt d'êtres aussi innocents que cette enfant sans lui faire de mal... C'est alors que le seigneur de glace eut comme un flash. L'enfant... Comme un zombi... Le seigneur de la folie et des illusions... Le salaud! Que lui avait-il fait! Si il y avait bien une chose qu'Albérich ne supportait pas, c'était qu'on s'attaque à des êtres sans défenses... Et comme dans son passé, l'instinct d'Albérich prit le dessus.

- Bonjour élu de Narthe celà fait ...

Albérich sentait son cœur taper de plus en plus fort dans sa poitrine, aussi il n'écouta pas les dires de l'elfe noire et laissa la rage l'envahir petit à petit. Le température environnante chuta de plusieurs dizaines de degré en quelques secondes et une aura bleue brilla autour du seigneur de glace. L'épée de cristal apparut dans sa main droite, et il s'approcha de l'elfe jusqu'à être à quelques centimètre de lui. De la glace commençait à se former au niveau des pieds de l'elfe.

- Tu crois que je vais te laisser faire du mal à une simple enfant ? Tous les êtres vivants de cette grotte sont sous ma protection. Tu vas payer de ton sang cette trahison !

Puis il recula de quelques pas et se mit en position de combat. Une chose était sûre, le combat entre deux champions, c'était du jamais vu, et les ravages que pouvaient faire les deux hommes étaient inimaginables. Qui pourrait bien stopper cette tuerie avant que le sang ne soit versé ? La déesse ne semblait pas essayer de raisonner Albérich, il prit cela pour une approbation du châtiment qu'il s'apprêtait maintenant à rendre !

Il était une fois Narthe, déesse de la guerre. Elle résidait dans un temple que nul ne pouvait décrire tant il était compliqué de parvenir jusqu’à lui. En effet, douze temples précédaient celui de la déesse. Et dans ces temples étaient censés résider des Champions, gardiens des temples, chevaliers de Narthe. Des forges de l’enfer en passant par le cimetière de glace, les temples n’étaient guère accueillants. Mais chaque règle a son exception. Aussi Narthe avait-elle créé un temple qui ne paraissait en rien hostile. « Le jardin d’Eden » était son nom. Il était un coin de paradis dans le monde enfoui de Narthe. Cet endroit irradiait et réchauffait le cœur et l’âme. Il était un véritable jardin à la végétation luxuriante. Un peu de douceur, c’était ce qu’offrait ce temple. Alors qui d’autre qu’une femme pouvait en être la gardienne ? Lily aimait son temple, elle aimait y rester et y passait le plus clair de son temps. On pourrait penser qu’elle avait beaucoup de visiteurs, mais il n’en était rien. Le peuple du village connaissait les dangers de cet endroit. Le jardin d’Eden ne convenait qu’à sa gardienne. Les autres pouvaient y oublier jusqu’à leur nom dans les parfums envoutants des fleurs. La Gardienne était de plus une femme de qui l’on ne parvenait pas à se méfier. Pourtant, elle était dangereuse. C’était pour cela que Narthe l’avait choisie pour garder ce petit paradis.

Lily ne descendait pas souvent au village. Le jardin du temple lui donnait la sensation d’être à l’air libre tandis que le soleil artificiel du village rappelait que le village était caché. Pourtant, elle quittait parfois son antre, notamment lorsque le village s’animait pour le marché. Ce jour-là, Lily était descendue de bonne heure, vêtue d’une robe légère blanche. Elle avait abandonné l’idée de faire venir Albérich et Susanoh avec elle, le premier n’aimant pas la foule et le second étant littéralement asocial. Elle se glissait dans la foule avec agilité, saluant ceux qui la reconnaissaient, souriant à tous. Le marché de Narthe n’avait rien à envier à ceux que Lily avait connu lorsqu’elle voyageait avec ses parents. Il était grand, rempli et animé. Les marchands vantaient les mérites de leurs marchandises tandis que les femmes remplissaient leurs paniers. Lily se balada longtemps entre les étals, bavardant parfois. On lui offrit même un bouquet de fleurs. Elle n’aimait pas les fleurs coupées, mais elle avait la capacité de les maintenir en vie aussi longtemps qu’elle le souhaitait. Elle aurait aimé continuer à flâner ainsi, mais lentement, le courant qu’avait créé la foule se modifia. La championne n’y prêta pas réellement attention au départ mais sa curiosité finit par l’emporter lorsque le mot ‘champion’ filtra jusqu’à ses oreilles. Elle fit alors un détour et suivit le nouveau flux de la foule.

Lorsque celui-ci se dispersa, elle était arrivée devant la cause du raffut. En un coup d’œil, elle reconnut Albérich. Celui-ci était entouré de quatre chevaliers. Voilà qui ne devait pas lui plaire. Qui plus est, Susanoh s’approchait à présent de lui. Sans se montrer, la Championne observa la scène.
« Bonjour élu de Narthe cela fait un moment que l'on ne s'est pas vus, et vous quatre messieurs je vous salue aussi, bien que je n'ai aucune idée de qui vous êtes. »
Alors tout s’enchaîna. Alberich se tendit et il fit soudainement froid. Autour d’eux, il n’y avait plus un bruit. Une épée apparut entre les mains de l’homme de glace avant qu’il ne décide de s’approcher de l’elfe.
« Tu crois que je vais te laisser faire du mal à une simple enfant ? Tous les êtres vivants de cette grotte sont sous ma protection. Tu vas payer de ton sang cette trahison ! »
Visiblement, l’Elu était furieux du fait des agissements de l’autre Champion. Deux champions se battant ? Lily ne voulait pas voir cela arriver. Ils avaient un objectif comment. Comment pouvaient-ils ne serait-ce que penser à se battre ? Elle ne pouvait laisser ces deux êtres se battre. Elle soupira et, sans se départir de son sourire, arriva vers l’attroupement de chevaliers en sautillant.

- Allons messieurs, fit-elle de sa voix enjouée, notre Déesse ne nous a pas fait venir pour que nous nous entretuions. Je suis persuadée que ce n’est rien de plus qu’un malentendu qui plus est.

Elle souriait toujours. Elle se tourna vers les chevaliers qui les observaient.

- Bonjour messieurs ! J’espère que vous n’aviez pas l’intention de vous joindre à la bagarre car il n’y en aura pas, n’est-ce pas Susanoh et Albérich ?

Malgré son visage aimable, Lily arborait une attitude autoritaire. Si ces deux-là ne se calmaient pas, elle n’avait aucune idée des dégâts que cela causerait mais elle savait que cela affaiblirait l’ordre de Narthe, ce qui n’était pas une bonne chose. Lily jeta un bref coup d’œil au bouquet que lui avait offert le marchand. Du givre en recouvrait les pétales. Lily ouvrit la bouche et fit la moue. Elle regarda Albérich.

- Albérich... Pourrais-tu faire remonter la température s’il-te-plaît ? Mes fleurs vont mourir avec ce froid, et je vais attraper froid !

Elle avait prononcé ces mots avec une pointe d’humour, dans le but de détendre quelque peu l’atmosphère. Cependant, elle était sérieuse. Ces fleurs, elle tenait à les ramener en vie au temple !

Shingen se releva , et se tourna vers Susanoh et le défia du regard et il fit à celui-ci :

'Tu devrais avoir honte de t'attaquer à une petite fille , seuls les faibles s'attaquent à des êtres aussi vulnérables que peut être les fillettes.'

à ses paroles , Shingen se tena de toute sa hauteur vers Susanoh en mesure d'intimidation pour le contraindre à rendre la fillette à son état initial , si il n'abdiquait pas il en viendrait à dégainer son épée comme moyen de persuassion plus efficace.

'Alors j'attends.' *la main sur son fourreau prêt à dégainer*

Les dires de Lily n’étaient pas sans fondement. Il était vrai que la déesse de la guerre ne verrait pas d’un bon œil que ses champions s’entretuent. Surtout devant de potentiels futurs champions. Une larme coula le long de la joue de Susanoh, un doute dans l’esprit d’Albérich, et s’il avait fait erreur ? Le champion de la folie n’avait pas l’air de mauvaise foi.

Un malaise s’installa. Il semblait que le seigneur de glace s’était encore donné en spectacle à cause de son impulsivité. Susanoh voulait réparer ses torts, une preuve de bonne foi selon lui. La remarque de Lily, pour qui ses fleurs comptaient plus qu’une vie humaine le fit sourire, si il arrivait malheur à ce bouquet, Albérich risquerait sa vie.

L’aura bleue commença à diminuer en même temps que la température augmentait. Le peuple chuchotait à bonne distance de l’incident. Albérich d’un geste de la main allait libérer le demi elfe de son emprise. Mais c’est alors que Shingen, un chevalier, essaya de se mêler à l’altercation. Comment, lui qui n’était qu’un simple chevalier n’ayant pas encore pris le poste de Champion, pourrait-il rivaliser contre l’elfe noir ?

Il fallait trouver un moyen afin d’éviter que Susanoh ne s’attaque à Shingen une fois ses pieds libérés. Car il ne faisait aucun doute que l’être de plusieurs siècles ne ferait qu’une bouchée du jeune apprenti champion. Albérich lança un regard à l’enfant, pauvre être innocent, il était possible que Susanoh ait du mal à contrôler ses pouvoirs après tant d’années dans le sommeil. Un souvenir lourd en souffrance se raviva à l’esprit de l’élu.

Une fois, alors qu’il était en mission, il avait croisé une caravane de marchands. Des femmes et des enfants se trouvaient à l’intérieur, des infidèles certes, mais des êtres faibles et innocents tout de même. Alors qu’il allait simplement contourner la caravane, Narthe elle-même lui demanda de tuer tous les êtres vivants de cette caravane. Albérich, surpris, refusa, et la déesse répéta son ordre. Comment dire non à un dieu ? Aussi, il s’exécuta, le regard des enfants quand Albérich s’apprêtait à les achever le hantait, il avait perdu son âme ce jour la. La déesse lui expliqua qu’il s’agissait de la famille d’un des plus puissants serviteurs de Aariba, mais le prix à payer dans ce massacre était trop lourd pour un si jeune chevalier. Lui aussi avait des crimes sur la conscience, des crimes certainement aussi horrible que Susanoh, aussi regrettait-il de s’être emporté.

Il fallait qu’il apprenne à contrôler ses pouvoirs et sa colère. Il s’approcha de Shingen par derrière et posa sa mains sur celle du chevalier et son fourreau, il gela immédiatement l’arme et les mains de Shingen.

- Allons, vous n’allez pas faire de bêtises avec ça, n’est-ce pas?

Puis, ayant mis hors de combat le jeune chevalier, il fit craquer la glace au niveau des pieds de l’elfe. Avant de s’approcher de lui lentement. Ses yeux émeraude dans ceux de l’elfe, il lui dit d’un ton froid et dépourvu d’émotions.

- Nous parlerons de tout ça en privé. Tenez votre parole vis-à-vis de l’enfant.

Puis l’épée de cristal disparut à nouveau. Une voix dans la tête de l’élu résonna comme à son habitude

- Je savais que tu ne le tuerais pas.

Albérich recula de quelques pas pour laisser Susanoh agir avec plus de facilité.

Cet Elfe possède une âme si sombre, non, ou plutôt, peut-être qu'il n'en a plus. Le peur se lisait sur le visage des villageois qui croisaient son regard, et son aura meurtrière empestait le sang et la mort.

Pourquoi ?

Albérich se figea et une terrible émotion se crispa sur son visage, une colère froide, froide...l'air se rafraîchissait. Ses pouvoirs en était la cause, Zargan recula, une main près de son arme, pour analyser la situation. Vont-ils se battre ? L'élu fit apparaître une épée en cristal, les pieds de l'Elfe dans la glace, il l'accusa de son crime et recula, en position de combat.

Une beauté mystique prit la parole. Une force sainte et puissante émanait d'elle. Une fois encore un champion de Narthe arriva, coïncidence ou morbide délectation d'une déesse ? Ses mots étaient familièrement justes. Pourtant le guerrier à l'armure dorée vociféra une menace qui aurait pu refaire basculer la situation...

"L'ignorante valeur chevaleresque reflète l'âme d'un héros imprudent et heureux de mourir jeune"
Ironiquement, ce texte lui rappela bien des souvenirs.

Albérich calma les ardeurs d'un ton glacial et se résolut à ne pas se battre. Dans ce cas précis, personne d'autre n'avait le droit de mort, tel était son jugement.

Zargan sourit, le sourire blasphématoire d'un homme qui laisse paraître imperturbable, immuable , voilà sa vraie nature. Se détournant des puissants champions en heurt, il se dirigea d'un pas nonchalant vers la princesse guerrière, s'agenouilla et pris sa main inoccupée.

- Zargan, futur chevalier servant votre vie et votre destin, je suis enchanté de croiser enfin votre regard.

Aussi puissante fût-elle, cet imbécile n'avait jamais résisté à jouer les grands séducteurs au péril de sa vie le plus souvent, une femme reste charmante et envoûtante.

Narthe avait choisi ses serviteurs parmi les êtres les moins équilibrés que la terre ait portée en son sein. Elle n’avait pas vraiment eut le choix mine de rien, puisque pour aimer la guerre, il fallait être sacrément atteint. Ce fut ce que pensa Lily lorsqu’elle entendit Susanoh « se défendre » après qu’elle soit intervenue afin d’apaiser les âmes. La réponse du gardien du temple de la folie sidéra la gardienne du jardin d’Eden. Il comptait se laisser battre par Albérich alors même qu’il ignorait la raison de son énervement. Cet elfe était complètement fou. Il partit dans un délire de persécution qui amusa quelque peu la Championne. Rejoindre ses ancêtres, apaiser son âme, ces phrases sonnaient faux pour l’humaine. S’il tenait tant à mourir, il y avait des centaines de façon de le faire qui n’emporterait aucune conséquences – ou presque – pour le village et ses habitants. Une larme glissa le long de la joue du guerrier elfe. Lily en resta bouche bée. Elle avait face à elle le jour et la nuit, représentés par Albérich l’impulsif et Susanoh le réfléchi. Et tout à coup, l’elfe se mit à rire, avant de redevenir sérieux. Lily le dévisagea. Il était fou, complètement fou. Il fallait l’être de toute manière pour vivre dans le temple qu’il gardait. Son regard se tourna vers une fillette au regard hagard. Ainsi, cette fillette était à l’origine d’une dispute entre chevaliers... Apparemment, il s’agissait réellement d’un malentendu, Susanoh ayant usé de son pouvoir inconsciemment. Lily soupira lorsque le Champion demanda à Albérich de le laisser réparer ses erreurs en lui proposant de le tuer après. Il l’agaçait, c’était aussi simple que ça.

Sans que la guerrière n’ait pu dire quoique ce soit, le chevalier du nom de Shingen se leva et intervint contre Susanoh. Lily ne le vit guère bouger, autrement elle aurait bondi sur lui pour le faire taire. Le chevalier fit un discours sur la vulnérabilité des petites filles et la honte que devait ressentir l’elfe, tout en se mettant en position de combat. Lily pouffa discrètement de rire. Face à l’elfe, Shingen était une mouche. Il manquait d’entraînement et d’expérience. Lily observa la scène s’en se mêler. Elle vit Albérich gela les mains du chevalier hardi sur son fourreau et accueillit son geste avec un sourire approbateur. Albérich réprouva l’intervention de Shingen avant de libérer le Champion de son piège de glace. Une goutte d’eau glissa sur les doigts de la Championne, due au retour à la température normale du lieu. Albérich réclama à Susanoh une conversation ultérieure. L’épée de cristal disparut et Albérich fit quelques pas en arrière. Le guerrier qui était auparavant assis en tailleur se dirigea vers la Championne. Elle n’y prêta pas attention avant qu’il ne s’agenouille et ne lui saisisse la main.

Il se présenta comme un chevalier servant du nom de Zargan et se dit enchanté d’avoir croisé son regard. Les joues de Lily rosirent légèrement. Elle adressa un regard enjoué au chevalier agenouillé avant de répondre brièvement.

- Ce n’est pas moi que vous devriez servir mais notre déesse Narthe.

Même si cette présentation l’avait flattée, elle ne valait pas celles de son cher Azael. Si leurs routes s’étaient séparées, ils n’en étaient pas moins restés liés. Pour cette raison, elle repoussait inlassablement les galants qui approchaient, histoire de ne pas laisser naître l’espoir en leurs êtres.
Elle dégagea délicatement sa main et reporta son attention sur les chevaliers belliqueux. Il ne paraissait pas se préoccuper de l’échange entre le chevalier et la championne et appuya les paroles apaisantes de la seconde, invitant les guerriers se faisant face à cesser leurs inimitiés. L’elfe demanda du calme et répara son erreur envers l’enfant. Lorsque celle-ci tomba, Lily se tendit. L’elfe la prit dans ses bras et la confia au chevalier de glace avant d’entrer dans une colère qui fit frissonner la Championne. Une arme aux couleurs agressives apparut et Susanoh se calme. Lily n’avait pas bougé tandis que l’elfe parlait à son arme, l’appelant par un prénom que Lily ne releva pas. Allait-elle devoir intervenir ? Elle ne l’espérait pas. Se battre contre ses semblables ne faisait pas partie de ses projets. Elle aurait en horreur de faire une telle chose. Combattre contre un ennemi, oui. Combattre contre un pair, impensable. Elle entendit les curieux détaler tels des lapins traqués. Son sourire laissa place à un air sérieux et concentré. Elle se préparait à intervenir à tout moment. L’aura de l’elfe s’amplifia et il répondit à l’impertinent qui avait voulut s’attaquer à lui avant de se radoucir brusquement. Lunatique ? Il ne faisait aucun doute que ce trait de caractère allait à ravir à l’elfe noir. Lily ne tarda pas à comprendre que le Champion n’avait jamais eu l’intention de se battre. Il voulait simplement donner une leçon à l’imprudent qui l’avait en quelque sorte défié. Lorsque l’elfe s’éloigna, Lily retrouva son sourire. Elle s’approcha d’Albérich et de l’enfant. Un autre chevalier se leva et d’un ton sûr annonça que la concurrence serait dure au vu des personnalités des chevaliers en lice. Lily fit la moue en se tournant vers le chevalier. Concurrence n’était pas un mot qu’elle appréciait. Elle ne souhaitait que l’harmonie, quitte à se battre pour cela. Le chevalier leur tourna le dos et se présenta avant de s’éloigner. Son nom était Volsa. Immédiatement, Lily retrouva son sourire. La communauté de Narthe était exceptionnelle. Elle recelait de personnes aux caractères divers et aux idées divergentes mais toutes étaient aussi intéressantes les unes que les autres.
Un craquement ramena l’attention de la gardienne sur le chevalier imprudent. Il s’était dégagé. Elle soupira. Il s’éloigna.

- Vous devriez être plus prudents lorsque vous vous adressez à des êtres aussi puissants que Susanoh, conseilla-t-elle amicalement alors qu’il s’éloignait.

Puis elle revint vers l’enfant. Elle l’observa quelques instants avant de reprendre la parole.

- Penses-tu qu’elle se souvienne de quoi que ce soit Albérich, demanda-t-elle, inquiète ? Veux-tu que j’efface les traces de sa mémoire dans mon temple ?

Lylyane parcourait les routes depuis maintenant plus de six mois, se nourrissant de baies. Parfois, lorsqu'elle traversait un village, ceux-ci, en échange des menus services qu'elle proposait, lui offrait le gîte et le couvert afin qu'elle ne dormît pas dehors, bien que la saison fût chaude et les nuits douces. Dire que Lylyane voyageait était faux, elle ne voyageait pas, elle errait, laissant le hasard ou les Dieux décider à sa place. Elle songeait souvent qu'à l'issue d'un des chemins qu'elle croisait se cachait certainement la mort. Et elle se demandait si les Dieux lui faisaient prendre un raccourci ou la maintenait en vie le plus longtemps possible afin qu'elle se rappelle chaque nouveau jour de la fatalité dont elle était le jouet. Elle s'endormit à l'abri d'un saule pleureur. Et rêva.

Voilà de ça sept mois, alors qu'elle lisait un livre de cuisine qu'on venait tout récemment de lui offrir à l'ombre d'unsaule, ses parents l'appelèrent par la fenêtre. Cela semblait sérieux. Lylyane posa son livre à l'envers sur la chaise en bois qu'elle avait adossé à la maison, ouvert à la page des rôtis. Vraiment, ce livre était très complet, elle essaierait l'une des recettes pour le dîner. Puis, elle retira ces verres grossissants, sourit en pensant que dans quelques jours, elle pourrait les retirer, du moins d'après le sage du village. Elle les posa sur la couverture du livre, en s'assurant qu'ils ne glissaient pas. Puis elle rejoint prestement ses parents dans le salon, s'assit face à eux, dans l'un des coussins moelleux. La conversation toucha le sujet qu'elle débattait avec eux depuis quelques mois déjà: son mariage avec la personne qui comptait le plus pour elle. Les parents de Lylyane lui reprochaient son manque d'initiative et de projets pour l'avenir. Le soleil avait tourné pendant la discutions, et sans que personne n'ait pu s'en apercevoir, le livre de cuisine prit feu, la chaleur s'étant focalisée sur le "L" en début de titre à cause des verres. Puis le feu atteint la chaise, qui se consuma doucement et le feu se propagea le long du mur, entamant le torchis. Lorsque Lylyane et ses parents s'en rendirent compte, il était bien trop tard pour oser tenter quoi que ce fût: le feu avait violé l'espace calme et rassurant de la maison. Tout brûlait. Lylyane prit sa mère par la main et se dirigea vers la fenêtre, pendant que son père écrasait du pied les flammes qui léchaient le tapis. Lorsque sa mère se retourna pour regarder son mari, Lylyane escaladait déjà la fenêtre, et au moment où elle se laissa glisser à terre, les poutres qui retenaient le toit se rompirent sur les parents, suivies des pierres plates qui isolaient ordinairement de la pluie. Lylyane resta pétrifiée, sans pouvoir bouger, sans pouvoir penser et sans avoir rien pu faire. Elle resta des heures ainsi, et des jours devant cette maison, face à ces deux verres restant. Enfin, elle se rendit au village, le visage inexpressif et les yeux vides, elle se présenta à Erlan, l'homme qui l'avait demandé en mariage. Lui saurait quoi faire. Après qu'elle lui eût relaté les faits, elle leva les yeux sur lui et elle vit l'horreur que les yeux de son amant contenaient. Celui-ci la tenait pour responsable des faits et assassiner ses parents était passible de mort. Voyant que rien ne pourrait le faire changer d'attitude, Lylyane s'enfuit, la mort dans l'âme, la mort aux trousses, la mort en tête, rejetée de tous. Ses seuls biens étaient les vêtements qu'elle portait le Jour de la Fin, comme elle l'appelait à présent. Elle les détestait tous, elle deviendrait la meilleure, elle ne ferait plus de faux pas, tout serait réfléchi et calculé, et un jour, elle reviendrait tous les tuer.

Lylyane se réveilla, tremblante, bien qu'il ne fasse pas froid. C'était encore la nuit. Un hibou hulula et s’envola sur sa droite. Elle rassembla ses affaires et reprit le chemin qui continuait sur la gauche. Mais trois heures plus tard, avec le lever du soleil dans le dos, elle dû se rendre à l’évidence que ce chemin était un cul de sac. Elle s’assit donc sur le bord du chemin, au soleil, pour boire un coup. Son outre était presque vide. Quand soudain, attirée par un bruit étouffé, elle se retourna vers la paroi rocheuse. Elle ne vit rien d’anormal, alors elle s’approcha de l’endroit d’où le son semblait venir. Derrière un arbre, caché par les herbes folles, un trou béait, ouvert aux courants d’air. Comme la chose ne lui parut pas anodine, Lylyane décida d’explorer ce nouveau chemin qui se proposait à elle.

Elle marcha des heures durant, sans voir où elle posait les pieds, mais plus elle avançait, plus elle sentait une joie profonde l’envahir. La joie, inexplicablement, devint euphorie. Et bientôt, Lylyane courait au devant du chemin pour savoir quel trésor l’attendait. Elle ne s’arrêtait plus pour boire, seul comptait d’arriver au plus tôt. Enfin, au détour d’un énième virage, la lumière l’éblouit. A la sortie du tunnel, la délivrance vint, elle explosa en un rire démentiel : elle était arrivée, c’était là, le paradis, elle le savait. Elle aperçut en contrebas un village. Se dirigeant vers la cité à une allure nettement moins rapide que précédemment, elle étudia le lieu. La nature n’y était pas très présente. Quel bonheur, elle n’aurait plus à supporter ces fleurs qui la dégoutaient. Néanmoins, des jardins potagers s’étalaient sur les flancs de la colline qu’elle dévalait.

Arrivée au village, elle se mit en quête du puits afin de remplir son outre. Elle se perdit dans les rues, mais tout à son bonheur, cela ne la dérangea pas. Puis, en tournant au coin d’une rue, la rumeur qui parvenait à ses oreilles se fit plus intense. Elle ne pût résister à la curiosité et grimpa sur le toit de la maison la plus proche : elle y verrait bien mieux que tous ces villageois qui se poussaient pour ne rien rater que la scène qui se déroulait. Ce genre de comédie ne devait pas se dérouler tous les jours. Lorsqu’elle se fût installée, elle étudia tous les personnages qui arrivaient les uns après les autres pour y ajouter leur réplique. Ils étaient fascinants, en particulier l’être hybride, il ne pouvait pas appartenir à une seule race, c’était impossible. Il y avait là, si elle comprenait bien, un « élu » que tout le monde semblait respecter, des chevaliers, cet elfe aux yeux rouges et une femme qui semblait détenir pas mal de pouvoir. La situation devint si tendue qu’un sourire naquît sur les lèvres de Lylyane, ces personnes semblaient tellement intéressantes. La fin fût heureuse. Est-ce que tout ce raffut était pour une gamine, ou ce rassemblement s’était-il formé plus tôt ? Bah, elle n’en saurait jamais rien. Lorsque les gens commencèrent à s’éparpiller, suivant le mouvement amorcé par trois des personnes de ce regroupement. Alors elle se mît à rire, assise sur le bord du toit, si fort que les gens en bas se retournèrent vers elle. Cela ne fît que redoubler son rire et ce qui devait arriver arriva : elle tomba la tête la première dans le vide, morte de rire. Sa chute fût amortie par l’abri du marchand en dessous, mais elle déchira le tissu et s’écrasa par terre.

Un étrange silence s’installa, pourquoi ne s’entendait-elle plus rire ? Avait-elle arrêté de rire ? Dans ce cas, cela n’expliquait pas pourquoi elle n’entendait pas les gens qui s’amassaient autour d’elle parler. Elle sombra.