Volsa, la panacée

"Enfoiré... tu nous as tous..."

Disait un vieillard. Il était agenouillé, couvert de blessures profondes et tâché de sang. Il avait du mal à parler . Devant lui, se tenait debout un jeune homme au regard vague. Autour d'eux, trois cadavres gisaient sur le sol de la forêt des Ombres.

"Son nom ?" Répondit le garçon, sur un ton froid.

"A qui ? Pourquoi nous as-tu tués ?"

"Ne te fiche pas de moi ! Dis-moi le nom de ce bourgeois qui vous a fait traverser mes terres, toi et tes amis marchands !"

L'homme n'avait pas de pitié. Il regardait le vieillard avec dédain. Le marchand répondit alors :

"Tae... vi Ira... Kwondo... est son nom. Nous voulions aller à Pron...

-Je m'en fiche ! Ne me manque pas de respect. Je t'ai déjà accordé l'honneur de te parler. Maintenant que j'ai terminé, crève en silence."

Le garçon ramassa l'épée que l'homme devait livrer et la contempla de son regard émeraude. Le manche de l'épée était façonné avec l'écorce d'un arbre très résistant ; tandis que la lame était faite d'un acier très pur. Le vieillard à l'agonie demanda alors :

"Accorde-moi juste l'honneur de me dire ton nom"

Il toussa et la garçon lui répondit :

"... Volsa."

Et le vieillard dit :

"Alors je te maudis... Volsa" avant de rendre l'âme.

Mais remontons à l'origine de toute cette violence. Qui aurait crû que sous la faible apparence de ce garçon se cachait un triste passé ?

...

Tout commença il y a onze ans, Volsa n'avait que huit ans et vivait heureux en bordure de la forêt des Ombres avec ses parents. Mais un drame arriva : des brigands firent irruption dans leur demeure. Ne sachant pas quoi faire, la mère et l'enfant s'enfuirent en forêt tandis que le père les retenait. Hélas ceux-ci eurent vite raison de ce brave homme et se mirent à la poursuite des deux fuyards. Ils parvinrent à les rattraper.

Dans le but de sauver son enfant d'une capture et d'une vie d'esclave, la mère décida d'offrir une mort à sa progéniture. Elle sortit une fiole de poison de sa poche et enduit un bâton trouvé au sol de cette mixture. Alors elle planta la pointe du bâton dans une des veines du poignet de Volsa. Le petit souffrait. La mère pleurait à la vue de ce spectacle. Pour lui épargner cela, Volsa s'enfuit hors de la vue de sa mère... qui elle se fit tuer.

Volsa avait mal. Il sentait le poison dévorer ses entrailles. Il ne distinguait plus le monde réel et n'aspirait qu'à une chose : la mort. Il s'assit alors contre un arbre pour terminer son agonie. Il allait fermer les yeux pour rejoindre l'autre monde quand il vit cette chose ! Un rayon de soleil illuminait un tout petit carré d'herbe. Pas n'importe quelles herbes ! Des herbes qui avaient une forme différente des autres. Volsa rampa jusqu'à elles et les dévora. A cet instant il sentit le poison se dissiper petit à petit. Il retourna contre son arbre et s'endormit...

Le lendemain matin, à l'aube, Volsa fut réveillé par les gouttes de rosée qui s'était formées sur les feuilles de son arbre. Il s'étonna d'être encore vivant. Il crut que sa survie était due à une intervention divine. Mais quelle divinité aurait pu avoir pitié de lui ? Il ne pouvait y en avoir qu'une : Danava, déesse de la nature.

Ainsi Volsa commença à vénérer cette déesse. A force de vivre au sein de la nature, il parvint à maîtriser des pouvoirs. Il pouvait faire fleurir les plantes, ou bien dresser les animaux, insectes ou bactéries. Par ailleurs, il se nourrissait de beaucoup de variétés de végétaux. Si bien que les propriétés médicinales de ces plantes se mêlèrent à son organisme : son corps était devenu un antidote universel.

Des mois passèrent... ou des années. Volsa était un adolescent maintenant. Ses traits avaient changé et il avait l'air plus mature qu'autrefois. Il s'était créé des vêtements à base de végétaux qu'il avait brodés. Ses cheveux n'avaient plus été coupés depuis qu'il vivait en forêt. Il possédait dorénavant une épée, volée à un groupe de marchands ayant osé pénétrer dans "ses" terres.

Un jour, il vit une jeune fille en train de traverser ses terres. Il s'approcha furtivement afin de la tuer avec son épée. Après quelques pas, il fut à une distance suffisante. Mais au moment de l'abattre, il vit son visage. Elle était magnifique. Ses longs cheveux bruns s'accordaient parfaitement avec ses yeux verts et sa robe bleu turquoise. Malgré l'épée qu'il tenait en main, elle n'eut pas peur.

"Tu espérais quoi ?" lui dit-elle sur un ton neutre.

Il n'osa pas répondre. Il était hésitant. Un sentiment inconnu lui tiraillait la poitrine. Il parvint à répondre :

"Hum... qui es-tu ?"

Elle sourit et répondit :

"Je me nomme Harmonia Lazuli et je suis gladiatrice à l'arène de Proncilia. Et toi ?"

Il rougit et balbutia :

"Je me nomme... Volsa et euh... je vis ici... dans cette forêt..."

Il parlait comme s'il avait honte de sa condition. Il discuta longuement avec cette demoiselle et ils sympathisèrent. Il lui montra quelques petites choses dont il était capable, ce qui amusa Harmonia. Le sentiment qu'il avait se renforça et il comprit qu'il éprouvait de l'amour pour elle. Elle resta deux jours dans la forêt à ses côtés, car elle trouvait sa présence amusante et réconfortante. Lui, voulait lui déclarer sa flamme... mais il n'osait pas.

Au moment où la jeune fille voulut partir. Volsa voulut lui dire ce qu'il ressentait. Mais avant qu'il ne puisse parler elle dit :

"Je fus ravie de te rencontrer Volsa. Je penserai à toi ! J'espère que nous nous reverrons car tu es un excellent ami ! Maintenant il est temps pour moi de retourner à Proncilia pour voir mon fiancé."

Volsa fut effondré. Elle était déjà amoureuse de quelqu'un. Le monde était fini. Il cacha sa tristesse et trouva assez de force pour lui demander :

"Qui est ton fiancé ?"

Elle hésita avant de répondre et lui dit :

"En fait ça n'a rien d'officiel. Je ne connais pas ses sentiments à mon égard... mais moi je l'aime. Et il est mon protecteur. Il se nomme Tae Kwondo."

C'était la deuxième fois que ce Kwondo lui faisait outrance, indirectement. Volsa était au summum de l'énervement. Il fuit sans dire au revoir à Harmonia. Il était rongé par la colère. Il fallait qu'il trouve ce bourgeois.

Les jours passèrent et Volsa ne se sentait toujours pas mieux. Chaque jour, il maudissait ce garçon qui avait souillé ses terres du sang de ses hommes, et qui lui avait volé son seul amour. Il se jura de le tuer. Sans vergogne !

...

Quelques temps après, un garçon d'apparence jeune vint trouver Volsa. Il était blond, pas très grand. Il portait des sandales de bois, un pantalon blanc et un long manteau noir. Il était impeccable et paraissait fortuné. Il portait aussi une lourde épée à double lame dans le dos. Il s'approcha de Volsa et s'adressa à lui sur un ton calme mais légèrement hautain :

"Salut. Es-tu Volsa ? Harmonia m'a parlé de toi. Je voulais faire ta connaissance. Vu comment Harmonia parle de ta personne, tu es quelqu'un de bien apparement."

Volsa ne le calcula même pas. Partagé entre la haine et la tristesse. Il répondit juste d'une voix molle :

"T'es qui et tu veux quoi ?"

Le blond, outré par ce ton, parla de manière beaucoup plus hautaine :

"Qui je suis ? Je me nomme Tae vi Ira Kwondo, riche bourgeois dont tu as assassiné les marchands envoyés à Proncilia ! Je suis donc venu te faire payer cet acte de ton sang !"

A l'écoute de son nom, Volsa équarquilla les yeux, rouges de sang. Il sauta sur l'homme qu'il haïssait, prêt à lui trancher la tête. Mais Tae ne l'entendait pas de la même manière : il dégaina son épée et para l'attaque de Volsa. Celui-ci joignit alors les mains pour invoquer ses pouvoirs, et un immense sapin sortit du sol. Tae parvint à l'esquiver et donna un coup d'épée dans la jambe droite de Volsa. Aveuglé par la colère, l'homme de la forêt devint hors de contrôle et lacéra le bourgeois de coups d'épée et d'attaques magiques. Il joignit encore une fois les mains et toutes les aiguilles du conifères allèrent se planter dans le torse, les bras et les jambes de l'homme au manteau noir.
Au moment où Volsa voulut l'achever, il sentit que l'air tourna. De l'aura noir commença à s'échapper du corps du blond. Alors ce riche se retourna et Volsa vit que quelque chose avait changé. Tae n'était plus Tae. Ses yeux étaient passés d'un magnifique bleu à un horrible noir. La situation changea alors. Volsa se fit massacrer mais était toujours debout.

Harmonia surgit alors près du lieu de l'affrontement. A la vue de ce combat, elle poussa un cri strident et dit, les yeux pleins de larmes :

"D... D... Dark ! Volsa ! Fuis ! Tu n'as aucune chance ! Ce n'est pas Tae ! C'est sa double personnalité : Dark ! Fuis, ou il te tuera !"

Le "pseudo-Tae" s'adressa alors à Volsa :

"Je n'en ai rien à foutre de toi, sale vagabond. Tu ne m'es d'aucune utilité. Tu ne vaux même pas la peine que je te tue."

Alors il sauta au-dessus de l'épaule de Volsa... et fuit. Harmonia s'enfuit elle aussi.

Volsa était épuisé. Mais des brigands avaient observé la scène et, connaissant la force de Volsa, brûlèrent la forêt. Alors ils dégainèrent leurs épées et attaquèrent le pauvre garçon. Le jeune homme, grièvement blessé et prisonnié dans un brasier, tenta une invocation... mais rien. Il pensa que Danava l'avait abandonné. Il tenta alors de se défendre à l'épée... mais c'était peine perdue.
Un des brigands lui assena un coup de lance empoisonnée dans le flanc... et Volsa tomba raide au sol.

...

Lorsqu'il reprit connaissance, il était allongé au milieu d'une foule qui le regardait d'un air étonné. Il leva les yeux vers le ciel et vit qu'il était dans une grotte éclairée par une source inconnue. Ses vêtements étaient tâchés de sang et déchirés. Son épée avait aussi disparue. Il se souvint alors de Tae, "Dark", les brigands, le feu et de la lance empoisonnée. Il ne fit guerre attention aux regards hébétés qui étaient posés sur lui. Il laissa aller sa main sur son flanc et vit que du sang coulait toujours très faiblement. Il poussa un léger gémissement. Une femme voulut le soigner mais Volsa la repoussa. En joignant ses forces, il parvint à se relever. Il marcha, titubant, jusqu'à un endroit plus à l'abri des gens. Là il s'allongea... et s'endormit de nouveau.

Il dormit pendant deux jours. A son réveil, il s'étonna d'être en vie. Il allait déjà beaucoup mieux, son teint était moins pâle. Il comprit qu'il avait survécu au poison grâce à toutes les herbes qu'il avait avalées dans la forêt. L'hémorragie s'était aussi arrêtée. Il se leva, et vit enfin d'où venait toute cette lumière : une sphère sur un immense temple. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres et il comprit que dorénavant, une nouvelle vie commençait. Pour inaugurer cela, il joignit les mains et fit sortir un énorme arbre du sol. Cela ne manqua pas d'attirer l'attention de la population, mais Volsa s'en fichait. Il se dit juste :

"Alors comme ça tu reviens vers moi Danava, crains-tu de me perdre ? Mais il est trop tard, mes pulsions belliqueuses ont pris le contrôle de mon âme... adieu."

Après une semaine de travail acharné sur cet arbre, il en fit une demeure tout à fait convenable. C'est ici qu'il vivrait maintenant...

...

Les mois passèrent, Volsa était maintenant un chevalier de Narthe. Il s'était parfaitement intégré auprès des habitants et connaissait très bien les règles du village, bien qu'il se montrait plutôt distant vis à vis des autres villageois. Il avait fini par comprendre comment il était arrivé ici : ces soi-disant brigands n'étaient que des envoyés de Narthe qui voulaient le tester et qui l'avaient ensuite emmené dans la grotte. Au fond de lui, il sentait qu'il devait remercier deux personnes : Narthe, pour lui avoir rendu le goût de vivre après lui avoir donné une raison de se battre ; mais aussi l'Elu pour avoir accepter de le laisser devenir chevalier et ne pas l'avoir chassé de ce village. Dans un sens, cet homme lui avait accordé une seconde chance.

Il n'avait rencontré l'Elu qu'une seule fois. Il n'oubliera jamais cette fois où il avait failli assister à un combat entre cet homme et le champion du troisième temple. Mais depuis ce jour, Volsa savait qu'il y avait des gens vraiment puissants en ce lieu.

Un jour, après avoir fait quelques achats d'herbes au marché, Volsa rentra chez lui. Une surprise l'y attendait sur son lit de bois : un parchemin fait dans un papier extrêmement fin et dont l'écriture était faite à base d'or fondu. Volsa s'en saisit et fut pris d'effroi à sa lecture. A la fin du dernier mot, il tomba. Il ne croyait pas ce qu'il venait de lire. Lui, devenir un champion ? Certes il avait une fois rencontré l'Elu, mais il ne méritait pas tant de grâce de la part de la divinité ! Le message lui demandait de se rendre à la statue de Narthe. Volsa ne pouvait pas refuser. Il prit alors la route, traversant le village.

Lorsqu'il fut arrivé devant la statue, il vit qu'une surprise l'y attendait : son épée était placée au pied du monument. Volsa hésita un instant puis la saisit et l'attacha à sa ceinture. A ce moment, un énorme flash apparut. Durant le court moment que dura cet instant où Volsa était en transe, il vit une silhouette féminine s'approcher de lui. Il ne fut pas capable de dévisager cette personne. Cet être lui tendit la main et lui murmura une chose d'une voix quasiment inaudible.

Lorsque le flash fut terminé, Volsa resta immobile une dizaine de secondes, avant de se mettre en route vers le cinquième temple, le sien, celui du poison et de la maladie.